L’hypnose de spectacle et l’hypnose thérapeutique utilisent toutes deux les phénomènes hypnotiques susceptibles de se produire lors d’une transe hypnotique, mais dans des buts biens différents.
L’hypnotiseur de spectacle, contrairement à l’hypnothérapeute, ne peut pas se permettre de perdre trop de temps à obtenir chez ses sujets une transe hypnotique utilisable.
De plus, chez les personnes qui assistent à ce genre de spectacle, il existe deux prédispositions inconscientes:
– L’avidité d’une expérience de transe à expérimenter (par curiosité ou par ludisme),
– Être juste « venir voir ». Ces dernières seront dans une prédisposition de résistance, de méfiance et résisteront aux suggestions proposées par l’hypnotiseur.
D’autres navigueront entre les deux.
L’hypnotiseur va alors utiliser différents tests et artifices afin de renforcer la prédisposition inconsciente qui l’intéresse chez certains de ses spectateurs.
- Par exemple, il peut projeter sur des écrans d’anciens numéros qui illustrent des phénomènes hypnotiques, ce qui facilitera leur reproduction ultérieure par les sujets choisis.
- Ou alors il utilise les sujets les plus doués, ou ceux qui ont déjà vécu une expérience d’hypnose, il peut ensuite faciliter la survenue de ces phénomènes chez les autres par mimétisme.
- Il peut également évaluer la suggestibilité des sujets volontaires en leur faisant faire des exercices simples qui vont lui permettre de trier les candidats en fonction de leurs prédispositions naturelles.
Il ne conservera que ceux qui sont hautement suggestibles à ce moment de leur histoire (environ 10% de la population). En effet, notre suggestibilité évolue tout au long de notre vie, en fonction de facteurs externes et internes, et elle peut considérablement varier en fonction du praticien et/ou du moment choisi.
Contrairement à l’hypnotiseur de spectacle, l’hypnothérapeute n’est pas pressé; il n’a pas d’ impératif si ce n’est l’intérêt de son patient. Pour lui, tout le monde est hypnotisable. Il y consacre le temps nécessaire, prend le temps d’échanger avec son sujet, d’instaurer une relation de confiance. Il peut même, ainsi que je le fais souvent, indiquer au patient qu’il ne fera pas d’hypnose formelle au premier entretien. L’hypnothérapeute laisse au patient le temps de décider si oui ou non il lui fait confiance, s’il souhaite s’engager en thérapie avec lui, et si le mandat d’intervention convenu entre eux lui convient. Le praticien aide son patient à formuler un objectif concret, réaliste et réalisable, qui servira ensuite de boussole à l’accompagnement en hypnose. La réalisation de cet objectif servira d’évaluation et signera le terme de l’accompagnement.
L’utilisation des phénomènes hypnotiques
Lorsque le sujet entre en transe hypnotique, terme utilisé pour désigner le changement de fonctionnement cérébral caractéristique de l’hypnose, plusieurs phénomènes sont à même de se produire. Il sont utilisés à des fins différentes par l’hypnothérapeute et l’hypnotiseur de spectacle.
Les phénomènes idéomoteurs
L’écriture automatique est une manifestation de ce phénomène de transe, de même que les mouvements involontaires (dont l’origine est le plus souvent inconsciente), tels que la salivation, la déglutition, les mouvements de tête et de doigts, ainsi que tous les gestes automatiques que nous effectuons naturellement dans un but d’apaisement (griffonner des dessins sur un post-it, jouer avec sa bague, caresser sa tasse, etc…)
En transe, le patient peut s’exprimer verbalement, avec pour conséquence un retour à un état de conscience normal, particulièrement dans les débuts de la thérapie.
Le thérapeute utilisera alors des mouvements idéomoteurs. Il s’agit d’une forme de communication beaucoup plus archaïque; ces mouvements sont susceptibles d’être pilotés par l’inconscient sous la forme d’un « signaling » . Par exemple, hocher ou secouer la tête pour signifier « oui » ou « non », hausser les épaules pour signifier « je ne sais pas ». Les réponses données durant cette activité inconsciente peuvent être différentes de celles fournies à l’état conscient.
De même, le langage du corps est un indicateur crucial pour le thérapeute. Il lui permet de « s’accorder » au sujet, comme en synchronisant son débit verbal sur la respiration du patient, en parlant sur son expir.
En thérapie, ce phénomène constitue une ratification importante de la réalité de la transe et de son effet, ainsi que du travail inconscient. Par exemple, lorsque l’inconscient du patient produit un phénomène de lévitation de la main, c’est une métaphore puissante de légèreté, de cheminement vers un objectif, d’augmentation de sa confiance en ses propres capacités de changement, ou d’une toute autre signification propre au patient.
Ce phénomène est fréquemment utilisé par l’hypnotiseur de spectacle car il produit un effet spectaculaire: les spectateurs voient un corps “qui bouge tout seul” et qui paraît obéir à une volonté extérieure à celle du sujet.
La catalepsie
Il s’agit d’un tonus musculaire « particulièrement bien adapté », selon Erickson. C’est lui qui participe au maintien de notre tête et de notre cou. C’est une tension maintenue naturellement, facilement et sans effort: un bras ou une main reste indéfiniment en l’air, comme confortablement installé(e) sur un coussin invisible, sans aucune fatigue.
Le thérapeute Ericksonien l’utilise:
Pour obtenir des transes particulièrement profondes et stables.
Pour la métaphore: la solidité, l’ancrage ou bien l’enracinement.
La catalepsie peut également exprimer un figement du patient dans une situation particulière.
L’hypnotiste de spectacle utilise la catalepsie pour des démonstrations particulièrement spectaculaires, comme un corps confortablement suspendu entre deux chaises, l’une placée à la tête et l’autre aux pieds. Des briques sont ensuite placées sur le ventre du sujet, puis cassées avec un marteau (l’impact du coup étant absorbé par l’élasticité naturelle du corps).
La catalepsie est aussi à l’origine de la sensation d’agréable pesanteur, parfois utilisée pour “sceller les paupières” ou pour “coller les pieds au sol”.
La dissociation hypnotique
Elle est expérimentée par la plupart d’entre nous dans des transes du quotidien. Qui ne s’est jamais retrouvé « absorbé » par un bon livre au point d’en oublier son environnement, de ne plus voir le temps passer? S’être tellement « pris dans le film » que, emporté par les émotions ressenties, en oublier le monde autour ou verser une larme? S’être étonné dans sa voiture d’être « déjà arrivé là » sans avoir gardé le souvenir conscient de la route parcourue?
Pendant ces expériences, nous gardons un minimum de fonctionnement conscient qui permet de parer à une urgence dans le réel, mais l’essentiel de notre activité psychique est ailleurs. C’est la dissociation.
Dans la transe hypnotique, notre patient est dissocié du contexte: les bruits extérieurs, ceux de la rue, s’effacent, le laissent indifférent. Seule subsiste la relation au praticien, au son de sa voix (c’est la raison pour laquelle les bruits parasites ne le dérangent pas).
Cette dissociation peut aussi être utilisée pour réduire un vécu douloureux lors d’une intervention chirurgicale en urgence, par exemple sur une main, en dissociant cette main du corps, ou bien en dissociant la conscience du corps dans son ensemble.
Le praticien peut l’utiliser pour travailler les séquelles d’un traumatisme, en exposant le sujet à une image issue du trauma et lui permettre de vivre cette exposition sans que cela ne résonne émotionnellement/corporellement. C’est pour lui l’apprentissage d’une nouvelle réponse au stimulus traumatique ou phobogène qui lui permet de s’en désensibiliser de manière très efficace.
L’hypnothérapeute encourage le développement naturel de ce phénomène par l’emploi d’une rhétorique adaptée et particulière. Par exemple « Cette main fait » ceci, « ce bras fait » cela, « ces yeux voient », « ces oreilles entendent ».
C’est aussi la raison pour laquelle une séance d’hypnose se finit toujours par une phase de “retour”, phase de réassociation pendant laquelle l’hypnopraticien facilite l’inversion naturelle du processus pour permettre au sujet de retrouver un fonctionnement habituel et confortable.
Ce phénomène est utilisé par l’hypnotiseur de spectacle pour démontrer l’indifférence possible à un stimulus douloureux, comme la possibilité d’enfoncer une aiguille sans que la personne ne manifeste d’inconfort.
La perception du temps
C’est un des phénomènes le plus facilement perceptible par le profane, car il se manifeste volontiers dans les transes naturelles du quotidien. Son utilisation thérapeutique est très créative : c’est ainsi qu’on diminue la durée subjective des douleurs aiguës, qu’on augmente le temps de répit ressenti entre deux crises, et par là-même que l’on permet de rendre la douleur beaucoup plus supportable globalement. Cela peut également être utilisé pour permettre de donner le temps à l’inconscient de faire beaucoup de travail rapidement, tout simplement en ralentissant l’écoulement subjectif du temps.
Cet effet est saisissant en hypnose de spectacle; la personne est très surprise de la disparition du temps. Pour elle, 5 minutes se sont écoulées, alors que le spectacle a duré un heure.
La pseudo-orientation dans le temps
Elle permet au patient de se projeter dans le futur, dans un futur débarrassé des conséquences de son problème, équipé de ce que l’on appelle “l’expérience émotionnelle correctrice”. Cette dernière va lui permettre de faire l’apprentissage concret (dans son vécu corporel et dans toutes les autres dimensions) de ce qu’est sa vie sans son problème. Cette projection a une valeur auto-prophétique, et naturellement le cerveau va avoir tendance à la réaliser. Elle peut par ailleurs être utilisée pour effectuer une « régression en âge », afin d’amener la personne a un âge choisi…
En hypnose de spectacle, l’hypnotiste peut mener par exemple ses sujets à l’âge de 8 ou 10 ans; il est très impressionnant de voir des adultes se mettre à jouer aux billes ou à la marelle.
La mémoire (amnésie, hypermnésie)
C’est souvent le phénomène le plus associé à l’inconscient dans le sens commun. On sait que l’inconscient mémorise, archive, classe les informations perçues par les 5 sens. Il mémorise aussi les émotions, les sentiments, les ressentis corporels. À l’instar du stockage des données d’un ordinateur, c’est un peu notre disque dur. Si on accède aux données de l’ordinateur facilement, pour l’inconscient, il faut utiliser des techniques appropriées. En comparaison, la mémoire consciente a la capacité limitée d’une disquette, même si en contrepartie elle est accessible immédiatement.
C’est sur la mémoire inconsciente que le praticien pourra travailler d’anciens traumatismes, induire l’amnésie d’une partie ou de la totalité de la séance (amnésie qui permet à l’inconscient de travailler tranquillement en dehors d’une intervention consciente susceptible de venir parasiter ou faire échouer ce travail, voir la notion d’utilité du symptôme).
La douleur étant constituée du souvenir des douleurs passées, de l’appréhension des douleurs futures, en utilisant le phénomène d’amnésie, le thérapeute peut aider le patient douloureux chronique à augmenter son confort en oubliant celle-ci entre deux crises.
D’autres manifestations des phénomènes liés à la mémoire sont les suggestions post-hypnotiques, suggestions données pendant la transe mais destinées à s’accomplir plus tard.
L’hypnotiste de spectacle utilise ce phénomène pour amener le spectateur à oublier son propre nom, une lettre de l’alphabet, ou un chiffre entre 0 et 9 (amnésie), ou bien pour retenir beaucoup d’informations (hypermnésie).
Les perceptions sensorielles
Lors de la transe, le cerveau peut créer des perceptions sans objet, pour chacun des cinq sens, dites « hallucinations positives », ou au contraire amener le cerveau à ignorer des stimuli pourtant bien perçus (hallucinations négatives).
Ce mécanisme permettra par exemple à quelqu’un qui n’a pas fait le deuil d’un proche, de le voir, de converser avec lui, et accompagné du thérapeute, de réinterpréter sa disparition afin d’en tirer d’autres conclusions.
Certaines techniques pour traiter des problématiques somatiques sont issues de ce mécanisme (remplacer une douleur par un prurit par exemple, en amenant le cerveau à réinterpréter le stimulus douloureux).
Une hallucination négative peut aussi être produite et utilisée. Elle conduit à la non perception de stimuli pourtant réels. C’est le cas pour l’hypno-anesthésie qui permet d’annuler la perception d’une douleur, ou de traiter n’importe quelle sensation douloureuse ou désagréable.
C’est avec ce phénomène hypnotique que l’hypnotiseur de spectacle amènera le spectateur à goûter un oignon en lui trouvant un goût de pomme (hallucination gustative positive), ou à se rendre invisible aux yeux du sujet (hallucination visuelle négative)…
Conclusion
Comme vous pouvez le constater l’utilisation de l’hypnose est très créative.
Son efficacité réside dans l’utilisation des phénomènes hypnotiques par le praticien produits par la collaboration de l’inconscient du patient/sujet. L’hypnose permet à ce dernier l’extension de sa vision du monde et l’initiation à de nouveaux processus d’apprentissage.
Se former à ces techniques dote le soignant d’un outil efficace et naturel d’intervention. Il peut équiper et réactiver les ressources du patient qui devient autonome dans la gestion de ses symptômes d’une manière alternative et non médicamenteuse. Cela constitue un complément efficace de la prise en soin médicamenteuse.
Bonjour
Merci infiniment pour tes partages; je suis Hypnothérapeute classique et Ericksonienne en centre Alsace. Je suis retraitee et autoentrepreneur depuis un an avec une activité modérée. ( je ne suis pas personnel soignant)
Accueilles-tu des stagiaires? J’aimerais continuer à apprendre et notamment observer les activités en groupe qui me semblent particulièrement adaptées pour certaines difficultés; cela permettrait aussi de démocratiser l´accès à l’hypnose ce qui me semble important, en faisant des ateliers à prix tous doux.
Bien à toi
Beatrice NOEL
page facebook « les ressources sont en vous ».
Bonjour Béatrice. Je suis ravi que le site te plaise.
Malheureusement non je ne prends pas de stagiaire, ayant une activité hospitalière notamment pour le groupe, ça nécessiterait de passer une convention avec mon Hopital. Ça n’est pas encore à l’ordre du jour.
Bonne journée.